The King — Partie II : Un roi en devenir

La mise en image d’une alternative à l’essentialisation d’un personnage

Résumé :

S’inscrivant dans le prolongement direct de la première partie de l’article sur l’analyse filmique de The King, cette seconde partie se concentre sur l’étude du développement d’Henry V au commencement de son règne. Il s’agit, dans ce document, d’étudier le traitement cinématographique de la pluralité des modèles de conception de l’individu en observant le cheminement du roi en période de paix, puis en temps de guerre. 
Cet article vise à montrer en quoi The King met en image un réinvestissement des représentations qui entourent un pareil film de genre.

The King — Partie II : Un roi en devenir

Différentes évaluations du règne d’Henry V ?

Après son couronnement, la seconde partie de The King 1 présente la suite du cheminement d’Henry. Une fois la couronne sur la tête, il n’est cependant pas entièrement « devenu » roi. L’objet de cette seconde partie d’article est de poursuivre l’analyse sur la période de début de son règne. (Pour ceux qui n’auraient pas lu la première partie, elle est disponible ici).  

Jusqu’à présent, on a montré que la manière dont la cour considérait Henry différait de la manière dont il se donnait à percevoir lui-même. En effet, Henry est sans cesse renvoyé à son statut social : il faudrait que son comportement et son attitude correspondent à celles attendues au regard de son titre. Ainsi, l’évaluation qui est faite de son cheminement, c’est-à-dire la manière dont on2 juge de son évolution au fil des différents événements qui se présentent en début de son règne, passe par la comparaison de ce qu’il est et de ce qu’il devrait être. Il en résulte alors une certaine dévalorisation de l’individu : il déçoit, il n’est pas à la hauteur, il fait honte.

Pourtant, chaque fois qu’il est renvoyé à son statut social, qu’on vient l’essentialiser en le rapportant à une seule dimension, sa position de roi, Henry s’en échappe. Il fait valoir sa multiplicité, la diversité de ses facettes. Se faisant, il se réapproprie le titre et modifie à la fois l’étiquette, la référence qui sert de modèle, et la manière dont il est possible de penser ce titre. 

En ce sens, Henry déplace la lecture analogique qui lui est imposée et se projette dans une définition innovative de ce qu’est un individu. En d’autres termes, il fait valoir la complexité de son identité, la pluralité des dimensions qui le caractérisent en chaque instant. Il s’émancipe ainsi de la simplification portée par la cour, qui réduit l’individu à une dimension, ou plutôt qui envisage sa pluralité au prisme d’une seule dimension dominante, ici son statut de roi. 

L’objet de cette seconde partie d’analyse de The King consiste donc à montrer en quoi le film développe son personnage principal en exposant la contingence des différentes facettes qui le compose plutôt que d’en montrer la juxtaposition, voir l’essentialisation. En poursuivant une étude chronologique des différentes étapes du règne de Henry V présentées dans le film, il s’agira de l’observer en temps de paix, puis en pleine campagne militaire contre le royaume de France. Il sera alors possible de faire émerger une nouvelle confrontation de figures, dans la représentation du conflit entre Henry et Le Dauphin (Robert Pattinson).  

Jouer son rôle ou se jouer de lui — Entre conformisme et réappropriation

Le développement du personnage principal continue d’être irrigué par deux visions. La première, portée par les membres de la cour, continue de l’envisager comme « en décalage » avec la référence standard de ce que « devrait être un roi ». La seconde, que défend et porte Henry, est une lecture circonstancielle, situationnelle, qui envisage l’individu en fonction de son rapport à l’événement ou l’étape, et non pas en le comparant à un modèle préconçu. Ces deux discours vont s’entrecroiser dans toute la partie du film qui suit son couronnement, en période de paix comme en temps de guerre. 

Gouverner en paix

Henry débute son règne par un retour à la paix dans son royaume. Il souhaite mettre fin aux conflits internes qui ont ruiné le pays sous la gouvernance de son père. La cour, vectrice d’un regard d’évaluation analogique 3, renvoie à plusieurs reprises le roi vers son rôle de dirigeant conquérant. 

Pour illustrer mon hypothèse posée en introduction, à savoir montrer comment The King développe une lecture innovative de l’individu, je propose d’analyser deux événements durant lesquels les deux visions innovative et analogique sont confrontées. Il s’agit d’abord de la réception du cadeau envoyé par le Dauphin, puis de la réaction d’Henry face au discours de son archevêque. 

Le premier événement débute lors du dîner et de la réception des cadeaux en provenance des différentes puissances d’Europe pour célébrer son accès au trône. Quand le Dauphin lui offre une balle de cuir, l’assemblée semble retenir son souffle. Si elle y voit une injure, Henry décide d’y trouver un témoin de sa vie passée, de ses frasques de jeunesse et de ses jeux. Il impose alors, oralement ici, sa lecture de la situation et propose son interprétation du geste plutôt que de l’analyser au regard de « ce qu’il pourrait vouloir dire symboliquement ».

Juste après, c’est son proche conseiller qui le relance sur l’attitude à adopter face à ce clair manque de respect. De nouveau, Henry expose sa posture : il ne répondra pas violemment à ce geste, injurieux ou non, comme le voudrait l’étiquette, il ne va pas rentrer dans un modèle standard (ou stéréotypé) de gouvernement. Il préfère reconstruire et réformer plutôt que de lutter contre de nouvelles forces.

En ce sens, il fait explicitement la part des choses entre le comportement attendu (par la cour, au regard de son statut) et celui qu’il choisit d’adopter. Rejetant le conformisme habituellement de rigueur, Henry continue de tracer une ligne marquée par le réinvestissement de la couronne, par la réadaptation du titre.

Plus explicite encore, face à l’archevêque qui présente la justification légale du roi d’Angleterre sur le royaume de France, Henry réaffirme son discours. L’archevêque, ici porte-parole de la cour, vient incarner le regard que porte l’institution sur le roi, en tant que statut et qu’individu, en assimilant les deux. Selon lui, le roi doit être conquérant et, pour le bien du royaume, réclamer et reprendre la couronne qui lui revient de droit. C’est là le rôle d’un monarque digne de ce nom. Qui plus est, Henry devrait s’inscrire dans le prolongement des régimes précédents et notamment réaliser le rêve de son père en prenant le contrôle du royaume voisin.

Henry expose de nouveau sa singularité, et demande de ne pas être perçu comme un simple héritier, mais comme le nouveau roi.

Henry le stoppe dans sa démonstration. Il coupe court au discours institutionnel et renverse le regard que doit porter sur lui le système. Il n’est pas son père, il n’est pas le même roi et entend être différent. Hal réaffirme sa volonté de réforme qui ne concerne, selon moi, pas seulement la gestion du royaume mais aussi la manière de concevoir son gouverneur.

En se montrant à la cour comme différent (des précédents, de la référence), il invite à repenser leur (mais on pourrait dire « notre ») définition d’un roi. Pour appréhender le développement d’Henry V, il ne faut pas se rapporter aux attentes préconçues par rapport à sa fonction, mais prendre la mesure de ses actes, de ses intentions explicitées et de ses valeurs.

Cela ne veut cependant pas dire qu’il est totalement sûr de lui. Au contraire, même, Henry cherche souvent conseil et interroge les autres sur leurs avis et leurs informations. Ce n’est qu’une fois éclairé qu’il prend une décision, et pas parce que ce serait la décision qu’un roi devrait prendre dans pareille situation.

C’est en suivant ce processus qu’il va finalement déclarer la guerre à la France. Là encore, Henry va continuer à s’opposer à l’habituelle lecture qui cherche à essentialiser un individu pour le définir. 

Chef de Guerre

En temps de guerre, le roi Henry V embarque avec ses troupes et participe, en plus de diriger, aux affrontements. 

La première étape de cette campagne militaire consiste dans la prise du premier château français sur la côte. La première bataille, comme en écho au premier duel entre Henry et Hotspur, semble annoncer un déroulement épique qui ne se concrétise pas par un combat spectaculaire. Le siège est assez passif : Henry fait installer trois trébuchets qui tirent continuellement sur les murailles du château pendant plusieurs jours et plusieurs nuits.

Cette attitude passive est reprochée au roi par plusieurs de ses conseillers. L’un des ses généraux, pour qui la guerre doit être conduite selon des règles traditionnelles l’entraîne à attaquer frontalement le château : « Nous devons prendre d’assaut le château. Ce sera sanglant. Nous sacrifierons sûrement de nombreuses âmes. Mais c’est là la nature de la guerre ». Pour appuyer encore cette lecture du siège, qui fait valoir « ce qui devrait être fait en pareille situation » sur « ce qu’il est raisonnable de faire » selon le roi, l’archevêque se fait de nouveau porte-parole de la vision traditionnelle explicitée précédemment. Ce dernier pousse également le roi à l’assaut, quoi qu’il en coûte. 

Henry, de son côté, lui oppose de nouveau sa vision du conflit et son rôle en tant que chef de guerre. S’inscrivant plutôt dans un comportement d’adaptation face à la situation que dans une attitude qui se soumet aux règles traditionnelles rigides, Henry fait valoir une lecture innovative qui repose sur ses propres valeurs, ses propres ressentis, sa propre décision. 

Lors d’un nouvel échange avec l’archevêque, Henry réaffirme sa position et refuse l’application stricte des « règles traditionnelles » de la guerre.

Le temps lui donnera raison puisque le château va bientôt céder, et Henry pourra pousser sa campagne. Un autre élément important qui se dégage de la représentation cinématographique de la campagne d’Henry V est le développement de sa relation avec Falstaff.

Compagnon de beuverie du temps où il était prince, Henry continue de nourrir pour le chevalier une affection certaine et une certaine admiration. Bien que ce dernier reste majoritairement silencieux lorsque le roi lui demande conseil, Hal estime chaque fois son avis sur toute situation.

Le personnage de Falstaff a ceci d’intéressant qu’il s’inscrit, selon moi, dans le même modèle de conception de l’individu qu’Henry. S’il est chevalier, ce n’est que par son titre, car son comportement et son attitude ne correspondent en rien aux exigences de l’étiquette pour pareil statut. Alcoolique, franc et bourru, Falstaff est présenté à l’image d’abord comme un homme fidèle à ses valeurs et ses idées avant d’être défini par son statut social. Pour autant, presque tous les personnages autres que le roi se réfèrent d’abord à son titre et à sa non-conformité avec les attentes qui y sont liées. Falstaff, comme Henry, est montré sous les différentes facettes de sa personnalité.

Sans dire que Falstaff est seul responsable de la vision innovative qu’Henry porte sur le monde, il est nécessaire de remarquer que le roi se nourrit de sa lecture du monde pour construire la sienne. L’exemple de l’échange dans la tente est assez parlant à cet égard.

Après une attaque particulièrement violente du Dauphin, Henry réagit brutalement et donne de nouveaux ordres pour la gestion du camp. Les ordres raisonnables, Falstaff accepte de les mettre à exécution, mais il refuse d’obtempérer quant au massacre de tous les prisonniers français. Henry, enragé, tombe alors dans le discours qu’il a jusqu’alors combattu : l’assimilation de l’homme et de son statut au profit du second. Comment Falstaff, chevalier, ose-t-il refuser d’obéir à son roi ? Continuant sur le même registre, il demande où se trouve le « fameux » chevalier dont il a tant entendu parler. 

Durant cet échange, Henry reproche à Falstaff de ne pas être à la hauteur de son statut, de ne pas remplir son rôle de conseiller, de stratège. On peut alors faire le parallèle avec les différents échanges d’Henry avec l’archevêque. Hal se retrouve ainsi dans la position de celui qui expose une évaluation analogique de l’autre : il compare Falstaff à ce qu’il devrait être, au regard de son titre et de l’étiquette. Il est donc déçu puisque Falstaff n’est pas conforme à ces attentes.

Le chevalier, qui connaît le roi, le ramène vers la lecture alternative, celle qui considère l’individu pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il devrait être.

Échauffé, Henry s’emporte contre Falstaff et lui reproche de ne pas être à la hauteur de ses attentes. Le chevalier l’invite à changer de registre de pensée, à revenir sur le modèle de conception innovatif. 

Il lui explique qu’il agit en fonction de ce qu’il pense être juste, qu’il parle quand il faut parler, et qu’il a vu tout le mal qu’amènent les comportements qui se conforment uniquement à l’étiquette. Falstaff ramène Henry à celui qu’il connaît : un individu responsable qui raisonne et agit en fonction de son propre système de valeur et non pas un homme qui se conforme aux conventions liées au statut social.

Cette inversion des rôles, avec Henry qui tient, sous le coup de la colère, le discours que tenait auparavant l’archevêque fait apparaître la facilité de basculer dans ce premier modèle. Poussé par l’émotion, on se rapporte à un modèle simple d’évaluation, qui consiste à comparer le réel à un étalon théorique.

Ce passage sert également à montrer qu’Henry est foncièrement un personnage qui porte (et est porté par) le second discours, celui qui porte un regard innovatif, adaptatif et situationnel, sur le monde. Une fois calmé, Hal « redevient lui-même » et retourne à la lecture qu’il défendait jusqu’alors.

La force motrice de cette relation dans le développement innovatif du personnage principal va s’illustrer de nouveau sur le champ de bataille d’Azincourt. C’est ici que le roi va affronter un nouvel adversaire, et une nouvelle fois faire prévaloir sa vision innovative sur le discours traditionnel analogique.

Le roi et le Dauphin, opposition de deux modèles incarnés

Deux dimensions viennent irriguer mon propos d’opposition de modèles au travers de la confrontation des deux hommes. Il s’agit d’une part, la représentation du Dauphin jusque là, et dont je n’ai pas encore parlé. D’autre part, la manière dont les deux hommes vont approcher et s’engager dans la bataille d’Azincourt, et plus particulièrement comment Henry va montrer sa capacité à changer de registre de discours quand le Dauphin restera définitivement prévisible.

Le Dauphin fait quelques apparitions avant le combat décisif. L’objet de ce passage est de montrer que ce personnage n’est envisagé (et ne montre) qu’une seule dimension, qu’il n’apparaît à l’image que sous une seule facette. On observera ensuite que c’est cette unidimensionnalité qui causera sa perte face à la multiplicité que présente Henry.

Dans ses rencontres avec le roi, le Dauphin est montré comme un homme sûr de lui et imbu de sa personne. Il viendra à la rencontre d’Henry pour le menacer. Multipliant les injures et les grossièretés, il passe son temps à manquer de respect au roi d’Angleterre qui, de son côté, le traite avec déférence et dignité. En plus d’être belliqueux et agressif, le Dauphin est sournois et massacre lors d’une embuscade, les écuyers de son adversaire.

Lors de ces quelques passages à l’écran, il est rapidement clair que le Dauphin vient incarner une version stéréotypée du méchant : détestable en tout point, brutal et vicieux, un anti-héros typiquement cinématographique.

Ce n’est que sous cette image qu’il nous sera présenté. Et si le personnage est construit selon un modèle (analogique) qui vient faire coïncider l’individu et son statut social, ou son rôle, c’est aussi par ses actes que le Dauphin expose et porte ce modèle.

Revenons quelques instants sur Henry et son approche de la bataille d’Azincourt à venir. Alors qu’il échange avec ses conseillers, celui qui le poussait à l’assaut du château lors du siège, porteur d’une lecture traditionnelle de la guerre, lui demande de battre en retraite faix aux forces françaises. Falstaff expose alors une stratégie tout à fait différente de l’assaut frontal qui semble la seule option. La proposition jugée folie par le conseiller (qui met en doute les capacités de stratège du chevalier au regard de son palmarès et de son attitude, c’est-à-dire de son manque de statut) est cependant pleine d’adaptation. Portée par une lecture réelle de la situation, elle invite à une réorganisation des forces en présence en fonction, et non pas selon un modèle.

Falstaff réaffirme sa vision adaptative de la situation, et l’échange qui suit avec Henry montre qu’ils partagent tous les deux cette perspective.

Falstaff et Henry vont ainsi miser sur l’application stricte du modèle standard de bataille traditionnelle de la part du Dauphin. 

Avant le combat, le roi va proposer une ultime alternative au français. Pour éviter le bain de sang, l’anglais fait la même proposition qu’à Hotspur : un duel des figures plutôt qu’une opposition des armées. Jusqu’au dernier moment, Henry a foi dans la capacité du Dauphin à changer de modèle, à s’échapper du conformisme et à considérer la situation autrement qu’à partir d’un référentiel préconçu. Sa pensée s’exprime lorsqu’il lui dit « je sais que vous ne parlez pas à la place de votre père [le roi de France] », sous-entendant qu’il le considère en individu responsable, maître de ses choix et non contraint au conformisme. 

Quand le Dauphin répond « je parle bien au nom de mon père », son discours est définitif : ce personnage ne peut s’inscrire que dans une lecture analogique de la situation.

Cette unidimensionnalité du Dauphin comparée à la remise en cause de l’étiquette et l’adaptation constante de Henry s’illustre une dernière fois sur le champ de bataille.

Rejetant de nouveau la figure standard du chevalier roi en armure étincelante4. Hal se bat en armure légère, avec un marteau. Agile plutôt que magnifique, sale et boueux mais efficace. Il n’a pas l’image d’un roi formidable telle que le cinéma nous l’aura largement proposé jusqu’à présent, mais il invite à une refonte de cette représentation. D’autant que lorsque le Dauphin se présente enfin pour le duel, en belle armure, il se ridiculise devant les deux armées.

Déséquilibré et lourd, il se roule à son tour dans la boue, à la différence qu’il ne l’a pas choisi. Le Dauphin, par l’application analogique de ses actes, s’effondre face à l’adaptabilité innovative d’Henry. Il est alors massacré par des soldats, une mort aux antipodes des représentations chevaleresques que son allure aurait pu laisser imaginer. 

Les deux figures sont couvertes de boue, mais seul Henry n’en est pas tâché. Le Dauphin s’y enfonce définitivement, et le roi continue son développement.

Une mise en image de la multiplicité

J’arrêterai à cette bataille mon analyse bien que le film ne se termine pas là. Dans cette analyse filmique, j’ai cherché à montrer en quoi The King invite à repenser et nos représentations et la manière dont on les construit. 

Le film développe un personnage en faisant systématiquement prévaloir sa complexité, la multiplicité de ses facettes. Cette dimension est renforcée par les oppositions successives aux autres protagonistes. Chacun de ses adversaires est construit par et incarne un modèle qui vient essentialiser l’individu, au sens où il fait disparaître l’homme au profit de son statut social. Ce modèle pousse les individus au conformisme : ils doivent se discipliner pour correspondre aux attendus d’un tel référentiel. Selon moi, c’est cette simplification, au sens de « réduction du multiple à une seule dimension maîtresse au travers de laquelle tout est envisagé », qui cause leur perte.

Car de l’autre côté, la particularité d’Henry est sa capacité à passer d’un registre à l’autre selon la situation. On le voit ainsi porter un regard seulement analogique sans le vouloir, sous le coup de la colère, mais aussi en pleine conscience, comme lors du discours de rassemblement de son armée avant la bataille. Le développement d’Henry se fait par réappropriation, par enrichissement de la référence. 

Ce qui fait, pour moi, la force de ce film, et que révèle mon analyse, c’est qu’il met en image, qu’il rend représentable, visible, une multiplicité de discours, de modèles de conception.

D’un côté, avec les personnages de Hotspur, de Thomas et du Dauphin, il s’agit d’un processus de re-production d’une identité. C’est dire que la construction de l’identité passe par un conformisme, une discipline, un conformisme à une image préexistante. Il s’agit de la constitution d’une nouvelle version d’un « déjà-vu », d’où l’appellation d’analogique

De l’autre côté, avec les personnages d’Henry et de Falstaff, le film projette un processus de production d’identité, au sens d’un travail artisanal à la fois unique et générique : un (roi) parmi d’autres, mais singulier. Il s’agit de la constitution d’un nouvel étalon, à la fois comparable et éternellement complexe, d’où l’appellation d’innovative.

Notes

Toutes les images sont tirées du film The King . Crédits : Netflix. Tous droits réservés.
L’affiche est tirée du site suivant : imdb.

1 MICHÔD, D. The King. Los Gatos : Netflix. 2019.
2 Il faut entendre on comme la cour du roi qui, dans le film, joue le rôle d’institution soi-disant porteuse du regard du peuple. Si dans l’univers diégétique la cour est l’incarnation de l’institution, elle représente, pour moi, le système, la société.
3 Au sens où elle n’envisage le développement du roi qu’en fonction de ce qu’il devrait être, selon son propre modèle, à savoir le prolongement du règne précédent : militaire et expansif.
4 On peut, de nouveau, faire le parallèle avec l’attitude d’Aragorn lors de la dernière bataille dans le troisième volet du Seigneur des Anneaux. Il incarne alors toute la majesté et la bravoure que le cinéma américain est capable de porter à l’image.